"Je me sens être, comme jamais je ne l’ai senti, un ensemble de molécules formant un corps où est la vie, concentrée autour d’un regard. Et comme jamais je ne l’ai senti avant, je me sens à la surface, tourmentée, pierreuse, terreuse, feuillue, herbue, mais bloc minéral quand même et surtout, d’une planète appelée Terre par les hommes, mais qui n’est qu’un grain de poussière gravitant dans l’espace intersidéral, dans l’infini des distances, dans l’infini du temps. Je pointe mon doigt droit devant moi. Une ligne s’en échappe qui fuse, toute droite, vers l’espace. J’ai lancé un trait qui ne s’arrêtera jamais d’avancer… Jamais ! Jamais ! Jamais ! La conscience physique du vide de l’espace me prend à la gorge. Où que je tende le doigt, il n’y aura jamais, jamais, jamais de mur pour arrêter la ligne droite qui en part!… J’éprouve, comme je ne l’ai jamais éprouvé auparavant, la violence atroce de la phrase de Pascal: “Le silence des espaces infinis m’effraie.” Oui, c’est bien ça. Une terreur accélérée me monte dans la gorge. Le secret du monde est là et il est affreux: jamais de fin, jamais de fin, jamais…" Charles Duchaussois.