Je n'en ai pas encore parlé pour des raisons que j'explique à la fin .. mais voici ce qui m'est arrivé..
"L’an 2000 a fait entrer le monde dans un nouveau millénaire, mais cette année m’a aussi vu effectuer un achat qui allait me coûter cher : un graveur de cd..
A l’époque je suis encore au lycée, et tout content de mon beau graveur tout neuf, je commence ma petite collection de jeux vidéos gravés. J’en échange aussi avec des copains, et j’en vends quelques fois. Puis je découvre sur Internet qu’il existe des forums d’échange de cd. Le principe est simple, chacun diffuse sa liste de titres sur Internet, et les utilisateurs inscrits se mettent alors d’accord par email sur un échange à effectuer, ou une vente. Ensuite chacun envoie les cd (ou l’argent dans le cas d’une vente) par voie postale.
C’est ainsi que, de juin 2000 à août 2001, j’agrandis ma collection de jeux vidéo et de films à quelques 800 titres et dans le même temps j’en vends un certain nombre, ce qui me permet de rembourser mon graveur et d’acquérir mes cd gratuitement.
Tout allait bien, jusqu’à un beau matin du 25 août 2001, date à laquelle j’ai eu la mauvaise surprise de voir débarquer chez moi des messieurs vêtu de bleu, la tête ornée de jolis képis. C’était pour les cd bien sur. Cd que ces gendarmes ont tous perquisitionné, même les vierges et les boites vides. Ils ont également embarqués mon graveur. Puis j’ai eu le droit à une garde à vue tout l’après-midi, pendant laquelle on a inventorié tous les cd que j’avais. On est arrivé à un total de 1282 car j’en avais en double (d’un pote qui en avait laissé pas mal chez moi peu de temps auparavant). Ils ont également pris mes relevés de compte, et on trouvé 10 525 francs provenant de la vente de cd.
Après cet après-midi interminable je suis rentré chez moi, l’esprit soulagé d’un poids, celui de ne plus avoir a passer mes journées à graver des cd, et surtout celui d’être libéré de ce besoin d’en avoir encore et toujours plus. C’en était devenu une obsession de collectionneur, il me fallait une liste de plus en plus grande. Je ne profitais que d’un très faible pourcentage des cd que j’avais, mais cela m’importait peu, mon seul but était d’en avoir toujours plus, c’était devenu une drogue..
D’un côté donc soulagé d’un poids certes, mais j’avais maintenant une épée de Damoclès sur la tête : le procès qui pouvait survenir d’un moment à l’autre. Puis les jours se sont écoulés, les semaines, les mois, ça fait plus de 2 ans maintenant. Je me dis que l’affaire a peu être été enterrée, qu’ils ont eu pitié de moi, mais c’était sans compter sur la lenteur de la justice française. Je reçois en effet en octobre 2003 une convocation à comparaître 1 mois plus tard au tribunal de grande instance de Versailles.
Je fais une demande pour un avocat commis d’office, on m’octroit une avocate qui n’a jamais plaidé pour une affaire de ce type. Petite parenthèse, je n’ai pas eu le droit à l’aide juridictionnel, et j’ai donc du payer l’avocat commis d’office car ils sont basés sur le revenu de mes parents pour savoir si j’y avais le droit. Je l’ai appris la veille du procès, 1100 euros, ça fait toujours plaisir..
La première audience arrive, on demande un renvoie, le délai imparti pour étudier le dossier étant beaucoup trop court. On reçoit les conclusions des parties adverses qui sont :
-La SELL (Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs),
-La SDRM (Société pour l’administration des droits de reproduction mécaniques),
-Le syndicat des éditeurs vidéo.
Je suis abasourdi, on me demande en tout près de 75 000 euros ! Mon avocate ne sait trop que faire elle est un peu paniquée étant donné que je n’ai pas contesté les faits, et que j’ai dit que je savais que c’était illégal. Elle se contente d’essayer de réduire l’amende, les parties adverses ayant fait des calculs assez grossiers.
Finalement mon procès à lieu le 5 janvier 2005, en face 3 avocats représentant les 3 parties. Le procès est tendu, les avocats de la partie adverse me descendent aisément. Mon avocate est bonne oratrice, elle réussira tout de même à diminuer un peu le montant réclamé, mais ce n’est pas assez. Le verdict tombe : je suis condamné à verser près de 35 000 euros + 3 mois de sursis. Le monde s’effondre, que vais-je faire, je suis endetté pour au moins 15 ans avec une telle somme. L’idée me traverse l’esprit de m’exiler, de quitter ce pays on l’on condamne un jeune lycéen qui a gravé des cd a s’endetter presque à vie.
Mais quitter tout ce que j’ai connu jusqu’à présent ne m’enchante guère, je décide de réagir, je fais appel. Je m’adjoins les services d’un avocat spécialisé dans les droits d’auteurs. La date de l’appel est fixée au 16 mars 2005. Pendant plusieurs mois, mon avocat va étudier sérieusement l’affaire et début mars donnera ses conclusions, en ayant trouvé plusieurs failles.
D’abord certaines parties adverses se réclament de contrats qui ne nous ont toujours pas étés communiqués à quelques jours du procès. Ensuite certaines lois qui existent aujourd’hui n’étaient pas en place à l’époque des faits, notamment concernant la reproduction immatérielle. Il a aussi insisté sur le fait que le contexte de l’époque était très différent. On ne parlait pas de condamnation, tout le monde trouvait ça légal. Il n’y avait pas tout ce tapage autour des internautes condamnés. Pire encore les sociétés qui vendaient les moyens de reproduction (graveur, cd vierge) faisaient de la reproduction un argument de vente.
Mon avocat a donc envoyé ses conclusions à la partie adverse, nous sommes le 12 mars et mon procès est dans 4 jours. Un coup de téléphone : c’est mon avocat, la partie adverse a reçu ses conclusions et veut négocier. Après murs négociations, le matin même du procès, un arrangement m’est proposé à hauteur de 9 500 euros tout compris, dont 2 700 euros de frais de procédure. Selon mon avocat, si on plaide il y a 50% de chance que je sois relaxé, il y a donc 50% de chance que je ne le sois pas, auquel cas il est fort probable que j’ai une amende supérieur à la première. Je préfère assurer le coup, j’accepte l’arrangement.
Cet arrangement n’est pas encore signé quand on se présente l'après-midi à la barre devant le juge, on lui fait part de ce désir, et on demande un renvoi le temps de finaliser. Aujourd’hui le contrat est presque signé, le 31 mars on se représente devant le juge pour lui en faire part.
Je m’en tire donc au final avec une amende de 9 500 euros. Ayant touché presque en même temps un héritage de 6 000 euros (de ma défunte grand-mère, paix à son âme), il me reste 3 500 euros à payer et tout ceci ne sera plus qu’un mauvais souvenir.
Alors je ne viens pas me plaindre, j’ai fait une connerie à la base, j’ai violé des droits d’auteurs j’en suis conscient. Auteur d’une œuvre je ne serais pas content que quelqu’un la pirate, c’est une question de respect d’autrui. Seulement j’étais jeune, à l’époque personne n’en parlait, la société ne mettait pas du tout en garde contre ça, tout le monde au contraire en faisait l’éloge et je ne pensais pas le moins du monde faire du mal.
J’ai conscience que j’ai eu de la chance et je remercie mon avocat spécialisé qui m’a vraiment évité l’endettement. Certains s’en tirent beaucoup moins bien que moi..
Tout ça pour des cd .."
PS: Je n'en parle que maintenant car mon avocat m'a conseillé d'ébruiter un minimum l'affaire, afin qu'elle ne prenne pas une tournure médiatique, ce qui aurait augmenté les chances que je sois pris comme exemple. Alors certes vous me direz, y'avait presque aucun risque de médiatisation en postant ça ici .. mais bon prudence jusqu'au bout ..
PS2 : J'ai préféré placé ce temoignage ici car je le pense instructif, mais je comprendrais qu'il soit déplacé en section chill-out.