"Rave-parties"
Ça balance pas mal au Maroc
Les teufeurs (fêtards en verlan) vous le diront à l’unisson: le Maroc compte parmi les pays où sont organisées les “rave-parties” les plus “roots” du globe. Selon des “ravers”nationaux et étrangers, les “raves” foisonneront durant les fêtes de fin d’année. Attention, toutefois: il faut avoir le cœur bien accroché, et une endurance à toute épreuve pour prétendre participer à ces orgies* démentes. Surtout si vous tombez sur Jack, un dealer itinérant américain * Dans le bon sens du terme
Depuis maintenant quelques années, “en 1999, précise Karim, la vingtaine glorieuse, le Royaume s’est ouvert aux organisateurs de raves internationaux. Certaines de ces manifestations ont attiré plusieurs milliers d’amateurs de musique électronique, dans le désert en général. C’est mieux de triper au beau milieu d’un océan de dunes, à Merzouga par exemple, plutôt que dans la campagne française, dans la Creuse ou au Larzac, à titre d’exemple. Non?”
Avant d’aller plus en avant, qu’est-ce qu’une rave? En anglais, rave signifie littéralement délirer, divaguer, s'emporter, tempêter, être déchaîné, s'extasier… En français, le mot "rave" fait allusion à une fête dansante colossale, délirante, portant parfois sur plusieurs jours, voire sur une semaine, et au cours de laquelle se succèdent des DJ techno, house, acid-house, jungle, trance … Jusqu’à plus soif! Le délire!
Les rave-parties ont, en général, lieu dans des endroits désaffectés, en ville ou à la campagne. Ce genre de fêtes a vu le jour au milieu des années 80, en Grande-Bretagne, mais s’est développé en un rien de temps, ailleurs -les premières raves françaises ont été tenues au début des années 90. Aujourd’hui, si le phénomène s’est plus ou moins estompé dans les pays développés, de nombreux baroudeurs voguent dans la planète au hasard des raves. Le rave-tourisme a encore de beaux jours devant lui; c’est une niche que n’a pas hésité à investir, avec un bonheur certain, le Maroc.
Jack est un de ceux qui sont à l’affût des “raves”. Il est Américain, a déjà pris part à deux raves dans le Sud marocain, mais également à des teufs encore plus lointaines et dépaysantes, en Indonésie, au Népal, au Brésil…
Jack est tout excité parce qu’il s’apprête à assister, coup sur coup, à deux raves du tonnerre. La première d’entre elles a lieu ce week-end, débutera le 4 décembre - et lui-même ignore quand elle s’achèvera. “Ça s’appelle “Spheres parties”, et ça a l’air d’être génial”, s’“ecstasy”-t-il. Toujours selon lui, cette soirée est organisée dans une ancienne usine de crin des années 20, d’où l’on a une vue imprenable sur l’Atlas. “Ça promet d’être authentique, surtout avec des cachetons dans la gueule”, couronne-t-il.
(Un peu de) Sexe, drogue, et musiques électroniques
Quand à la seconde fête, “Camp Desertview 2005”, elle se tiendra à la fin de l’année, deux jours avant le réveillon de la St-Sylvestre, et courra sur plusieurs jours. Jack compte donc passer un mois et quelques au Maroc. “ Mon boulot, très flexible, me permet de m’offrir de longues vacances, quand ça me chante. En mars et avril prochains, je serai au Portugal et en Espagne, où une dizaine de raves déjantées sont programmées; et, en août prochain, je reviendrai au Maroc pour participer à un autre événement “ Spheres”, qui devrait avoir lieu dans un endroit mystérieux sur la côte atlantique. C’est en surfant sur le Web que Jack détermine les rendez-vous de la planète “rave” auxquels il se doit de participer. Une petite consultation du world wide web prouve bien que le Maroc compte parmi les destinations de choix des “ teufeurs du monde entier”. De nombreux forums dédiés à la musique électronique font référence au Royaume, à la beauté des sites dans lesquels sont organisées les “raves”.
J’ai fait la rencontre de Jack chez un ami commun, un après-midi de novembre, et nous avons fini la soirée dans un bar chébran de Casa. Il y a descendu une bouteille de bourbon à une allure tellement folle qu’il s’est mis à radoter en milieu de soirée. “Je suis grave bourré”, lance-t-il jovialement, avant de poursuivre: “Qu’à cela ne tienne! J’ai tout ce qu’il faut dans ma pharmacie portative pour évacuer ce petit coup de pompe. En fait de pharmacie portative, Jack ne se sépare jamais d’une petite besace bigarrée, bourrée, à ce qu’il dit, de substances illicites. Tu veux de la coco, du crack, de l’héro, de l’acide, des champignons? J’ai tout ce que tu peux imaginer dans ce petit bagage”, divague-t-il dans un français malaisément déchiffrable.
C’est en vendant de la drogue lors des “rave-parties” auxquelles il prend part que Jack finance ses voyages fréquents. “D’autant plus que dans un pays comme le Maroc, le marché des drogues dures n’est pas très développé. J’ai déjà assisté à une rave, ici, en 2001, où il n’y avait en tout et pour tout qu’une douzaine de pilules d’ecstasy. La dèche! Pour l’ambiance, ça allait encore la première journée, mais la seconde, tout le monde a rendu les armes, à part les 2 ou 3 mecs qui étaient sous ecsta”, ajoute-t-il. Il ponctue ses propos en expliquant que la seule faiblesse des "raves" marocaines réside dans le fait qu'une certaine retenue sexuelle y règne. "Dans d'autres pays, en Espagne par exemple, les "raves" donnent lieu à des orgies incroyables. Ici, des couples se forment, mais personne n'est chaud pour des séances d'échangisme", regrette-t-il.
Evidemment, ça gobe pas mal au cours des “raves”. Les “ravers” ne sont pas des surhommes. Personne ne peut danser furieusement plusieurs jours durant, quasiment sans discontinuer. Il faut se doper pour cela.
Il ne faut pas pour autant remettre en question la tenue de “raves” dans notre pays. Qu’une poignée d’ados et de jeunes adultes se pètent la gueule pendant quelques jours dans quelque zone désertique n'est pas dramatique; loin s'en faut! C’est même admirable, puisque c’est ce qui permet au Maroc de disposer d’un capital sympathie béton auprès de la communauté des “teufeurs” internationaux.
M.L.
http://www.lanouvelletribune.com/actualite.asp?ids=4&idg=0&idn=7