interview de sarko sur le site de technopol
- Quelle est votre opinion sur les musiques électroniques ?
Les musiques électroniques sont riches, variées, foisonnantes. Elles habitent aujourd’hui un très grand nombre de courants musicaux. Comme le pluriel de votre question l’indique, il ne s’agit pas d’une catégorie musicale déterminée, mais d’un ensemble de musiques qui participent au renouveau de la pensée et de l’écriture musicales. Ces musiques sont d’ailleurs riches d’une histoire de plus d’un demi-siècle, qui va de l’électro-acoustique de Pierre Schaeffer et de Pierre Henri, jusqu’à la « Techno » d’aujourd’hui. J’ajoute que l’électronique d’aujourd’hui et de demain est non seulement sonore, spatiale, mais aussi visuelle. Le « Vjing » est un mouvement très prometteur.
- Avez-vous un programme musiques actuelles ? Ne pensez vous pas qu’un rééquilibrage des aides publiques en faveur des musiques actuelles s’impose encore ?
Je vais peut-être vous décevoir, mais je ne comprends pas et je n’aime pas l’expression « musique actuelle ». C’est certainement l’invention d’un technocrate de l’administration de la musique, et je sais que beaucoup de musiciens partagent ce point de vue. Pour moi, les choses sont plus simples. Il y a les bonnes et les mauvaises musiques. Il y a les musiques qui durent et les musiques qu’on jette après usage. Le rôle de l’Etat et des autres collectivités publiques est d’éduquer les musiciens et les publics, de transmettre le patrimoine, et de soutenir les projets créatifs qui leur semblent les plus prometteurs, quels que soient le genre et le courant musical. S’il faut parler de rééquilibrage, c’est entre les bonnes et les mauvaises musiques. Je reconnais que ce n’est pas simple en pratique, mais rien ne serait pire qu’une démission des élites dans cette recherche des vrais talents et des vraies valeurs : c’est en réalité une des principales justifications à l’existence d’un ministère de la Culture.
Ça ne veut pas dire que l’Etat n’ait pas vocation à soutenir les pratiques amateurs, bien au contraire. Mais il faut bien distinguer les deux politiques. Je note d’ailleurs que, de la confusion des genres qui règne aujourd’hui autour de ces questions, il résulte que la politique en faveur des amateurs est négligée, et presque nulle. Or il faut aider les jeunes à se retrouver, en tous lieux, pour pratiquer la musique dans de bonnes conditions. La musique par excellence crée du lien social, crée du sens, favorise l’échange, la communication. A cet effet, il faut multiplier les efforts de plusieurs administrations : la Culture, la Jeunesse, l’Education Nationale, voire aussi l’Intérieur. Rappelez-vous, comme ministre de l’Intérieur je me suis beaucoup investi pour aider à trouver des lieux pour l’organisation de « rave parties ».
- Pensez vous que le DJ est un artiste à part entière et que le mix est une forme d’interprétation artistique à part entière ?
Bien sûr. Le mixage, c’est-à-dire l’assemblage et la combinaison d’éléments préexistants, est par essence une interprétation artistique et même souvent une création artistique. Cela vaut pour la musique comme pour la vidéo et tous les arts graphiques, depuis Picasso jusqu’à Rauschenberg. Pour autant, je maintiens ce que je vous disais sur le fait qu’il y a une hiérarchie des valeurs et des créations esthétiques. Ce n’est pas parce qu’il est chaque jour plus facile – techniquement – de mixer des sons et des images, que ce qui en résulte sera toujours une création artistique : il ne faut pas confondre l’art et le papier peint. Une vraie création suppose de pratiquer un langage, une grammaire, de produire un style. Autrement dit, il ne suffit pas de se proclamer artiste pour en être un. Cela vaut pour les DJ comme pour tous les artistes.
- Pensez-vous qu’internet est un média ? Si oui quel cadre adopteriez-vous pour la diffusion des contenus audiovisuels sur la Toile ?
Internet est un média formidable. Déjà durablement installé dans la vie quotidienne de la plupart des foyers, c’est un merveilleux moyen d’accéder à la culture, de pratiquer les arts, et d’échanger avec les autres. C’est aussi malheureusement une fantastique usine à pirater les œuvres et à spolier les auteurs et les artistes. C’est pourquoi une politique raisonnable doit avoir deux objectifs. Le premier est de favoriser l’accès le plus démocratique et le plus large possible au média Internet, à la liberté d’expression et d’échange qu’il permet. Donc il n’est pas question de mettre des quotas ou des encadrements réglementaires contraignants. Ce qui était justifié dans l’univers hertzien analogique, caractérisé par la rareté des espaces disponibles, ne l’est pas dans l’univers numérique de l’Internet, où la ressource est quasiment infinie. Le second objectif, à égalité avec le premier, est de lutter efficacement contre la contrefaçon et le pillage des œuvres et des créateurs. Je n’ai aucun état d’âme en la matière. Les auteurs et les interprètes qui le souhaitent sont libres de mettre leurs œuvres en accès libre et gratuit. En revanche, ceux qui vivent de leurs droits ont pour première liberté celle de pouvoir vivre grâce au fruit de leur travail. Le Conseil constitutionnel l’a reconnu de manière nette en 2006 à propos de la loi DADVSI, en appliquant la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen à l’univers des droits des créateurs.
- Les quotas de chansons francophones, etc.
Je suis conscient que les quotas francophones ne sont par définition pas du tout adaptés à l’univers des musiques électroniques. Je suis donc disposé à trouver une solution pour que les musiques instrumentales d’expression culturelle française soient admises dans ces quotas. En rappelant qu’Internet, qui est l’univers d’aujourd’hui et plus encore de demain, permettra heureusement d’éviter cette difficulté.
- Les raves…
Comme ministre de l’Intérieur, j’ai souhaité faciliter l’utilisation de lieux publics pour l’organisation de « rave parties », de façon à permettre à ces manifestations festives d’avoir lieu tout en assurant la sécurité des participants et la tranquillité du voisinage. Je n’ai pas changé d’attitude : il faut que les administrations de l’Etat et des collectivités territoriales continuent à dialoguer avec les organisateurs de ces événements dès lors qu’ils agissent comme des partenaires responsables. Des lieux industriels, pourquoi pas si la sécurité des participants et des artistes est garantie ? Il faut à mon sens distinguer ce qui est fête spontanée ou presque, dans un lieu si possible ouvert et n’impliquant aucun investissement lourd en aménagement ou en sécurité, et manifestation professionnelle avec une mise en scène originale dans un lieu d’exception. Dans le second cas, l’organisateur doit adopter une approche professionnelle.
- Le disque…
Le disque est évidemment un bien culturel au même titre que le livre, le DVD, et que tout fichier électronique contenant une musique ou un film. Mais c’est aussi un produit industriel et une économie. Il ne faut pas en avoir honte. Ce sont des milliers d’emplois à la clé et beaucoup de richesses, dans un monde qui va connaitre - tant mieux - une explosion de la consommation de biens culturels. Le prix unique est impossible à étendre au disque car le droit communautaire l’interdit. Mais Internet constitue une exceptionnelle opportunité pour le disque à condition de régler la question du piratage. L’avenir du disque est sur Internet et sur le téléphone mobile, avec des œuvres faciles à trouver, pas trop chères, facilement téléchargeables et facilement utilisables sur tous les supports dans le respect du droit d’auteur et des droits voisins.
- Le secteur non marchand de la culture…
Je vous l’ai dit, je souhaite que les pratiques amateurs aient toute leur place, et une place plus importante que celle qui leur est allouée aujourd’hui. Je sais que certains syndicats sont hostiles à la réforme du statut du musicien amateur, qui est envisagée depuis très longtemps à la direction de la musique, mais n’a jamais pu aboutir. Je veux mettre le sujet sur la table. Un bon musicien, qu’il soit amateur ou professionnel, doit pouvoir s’exprimer à la mesure de son talent, de son envie, et de celle de ses partenaires. Ainsi le secteur non marchand doit trouver sa place, et cela vaut aussi pour les organisateurs d’événements. J’ai fortement soutenu, vous le savez, la réforme du mécénat en faveur des associations et des fondations qui a été entreprise avec succès par Jean-Jacques Aillagon en 2003. Le tissu associatif a beaucoup à apporter à la vie culturelle de notre pays. Bien sûr, je ne suis pas naïf, et je sais qu’il y a des « frottements » à traiter pour éviter les phénomènes de concurrence déloyale entre les amateurs et les professionnels. Mais il est temps que ce débat s’ouvre enfin et que des propositions ambitieuses soient faites. L’amateur est celui qui aime, il est temps d’aimer l’amateur et de le lui montrer !
http://www.technopol.net/assotechnopol/actualites/ump_reponses
- Quelle est votre opinion sur les musiques électroniques ?
Les musiques électroniques sont riches, variées, foisonnantes. Elles habitent aujourd’hui un très grand nombre de courants musicaux. Comme le pluriel de votre question l’indique, il ne s’agit pas d’une catégorie musicale déterminée, mais d’un ensemble de musiques qui participent au renouveau de la pensée et de l’écriture musicales. Ces musiques sont d’ailleurs riches d’une histoire de plus d’un demi-siècle, qui va de l’électro-acoustique de Pierre Schaeffer et de Pierre Henri, jusqu’à la « Techno » d’aujourd’hui. J’ajoute que l’électronique d’aujourd’hui et de demain est non seulement sonore, spatiale, mais aussi visuelle. Le « Vjing » est un mouvement très prometteur.
- Avez-vous un programme musiques actuelles ? Ne pensez vous pas qu’un rééquilibrage des aides publiques en faveur des musiques actuelles s’impose encore ?
Je vais peut-être vous décevoir, mais je ne comprends pas et je n’aime pas l’expression « musique actuelle ». C’est certainement l’invention d’un technocrate de l’administration de la musique, et je sais que beaucoup de musiciens partagent ce point de vue. Pour moi, les choses sont plus simples. Il y a les bonnes et les mauvaises musiques. Il y a les musiques qui durent et les musiques qu’on jette après usage. Le rôle de l’Etat et des autres collectivités publiques est d’éduquer les musiciens et les publics, de transmettre le patrimoine, et de soutenir les projets créatifs qui leur semblent les plus prometteurs, quels que soient le genre et le courant musical. S’il faut parler de rééquilibrage, c’est entre les bonnes et les mauvaises musiques. Je reconnais que ce n’est pas simple en pratique, mais rien ne serait pire qu’une démission des élites dans cette recherche des vrais talents et des vraies valeurs : c’est en réalité une des principales justifications à l’existence d’un ministère de la Culture.
Ça ne veut pas dire que l’Etat n’ait pas vocation à soutenir les pratiques amateurs, bien au contraire. Mais il faut bien distinguer les deux politiques. Je note d’ailleurs que, de la confusion des genres qui règne aujourd’hui autour de ces questions, il résulte que la politique en faveur des amateurs est négligée, et presque nulle. Or il faut aider les jeunes à se retrouver, en tous lieux, pour pratiquer la musique dans de bonnes conditions. La musique par excellence crée du lien social, crée du sens, favorise l’échange, la communication. A cet effet, il faut multiplier les efforts de plusieurs administrations : la Culture, la Jeunesse, l’Education Nationale, voire aussi l’Intérieur. Rappelez-vous, comme ministre de l’Intérieur je me suis beaucoup investi pour aider à trouver des lieux pour l’organisation de « rave parties ».
- Pensez vous que le DJ est un artiste à part entière et que le mix est une forme d’interprétation artistique à part entière ?
Bien sûr. Le mixage, c’est-à-dire l’assemblage et la combinaison d’éléments préexistants, est par essence une interprétation artistique et même souvent une création artistique. Cela vaut pour la musique comme pour la vidéo et tous les arts graphiques, depuis Picasso jusqu’à Rauschenberg. Pour autant, je maintiens ce que je vous disais sur le fait qu’il y a une hiérarchie des valeurs et des créations esthétiques. Ce n’est pas parce qu’il est chaque jour plus facile – techniquement – de mixer des sons et des images, que ce qui en résulte sera toujours une création artistique : il ne faut pas confondre l’art et le papier peint. Une vraie création suppose de pratiquer un langage, une grammaire, de produire un style. Autrement dit, il ne suffit pas de se proclamer artiste pour en être un. Cela vaut pour les DJ comme pour tous les artistes.
- Pensez-vous qu’internet est un média ? Si oui quel cadre adopteriez-vous pour la diffusion des contenus audiovisuels sur la Toile ?
Internet est un média formidable. Déjà durablement installé dans la vie quotidienne de la plupart des foyers, c’est un merveilleux moyen d’accéder à la culture, de pratiquer les arts, et d’échanger avec les autres. C’est aussi malheureusement une fantastique usine à pirater les œuvres et à spolier les auteurs et les artistes. C’est pourquoi une politique raisonnable doit avoir deux objectifs. Le premier est de favoriser l’accès le plus démocratique et le plus large possible au média Internet, à la liberté d’expression et d’échange qu’il permet. Donc il n’est pas question de mettre des quotas ou des encadrements réglementaires contraignants. Ce qui était justifié dans l’univers hertzien analogique, caractérisé par la rareté des espaces disponibles, ne l’est pas dans l’univers numérique de l’Internet, où la ressource est quasiment infinie. Le second objectif, à égalité avec le premier, est de lutter efficacement contre la contrefaçon et le pillage des œuvres et des créateurs. Je n’ai aucun état d’âme en la matière. Les auteurs et les interprètes qui le souhaitent sont libres de mettre leurs œuvres en accès libre et gratuit. En revanche, ceux qui vivent de leurs droits ont pour première liberté celle de pouvoir vivre grâce au fruit de leur travail. Le Conseil constitutionnel l’a reconnu de manière nette en 2006 à propos de la loi DADVSI, en appliquant la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen à l’univers des droits des créateurs.
- Les quotas de chansons francophones, etc.
Je suis conscient que les quotas francophones ne sont par définition pas du tout adaptés à l’univers des musiques électroniques. Je suis donc disposé à trouver une solution pour que les musiques instrumentales d’expression culturelle française soient admises dans ces quotas. En rappelant qu’Internet, qui est l’univers d’aujourd’hui et plus encore de demain, permettra heureusement d’éviter cette difficulté.
- Les raves…
Comme ministre de l’Intérieur, j’ai souhaité faciliter l’utilisation de lieux publics pour l’organisation de « rave parties », de façon à permettre à ces manifestations festives d’avoir lieu tout en assurant la sécurité des participants et la tranquillité du voisinage. Je n’ai pas changé d’attitude : il faut que les administrations de l’Etat et des collectivités territoriales continuent à dialoguer avec les organisateurs de ces événements dès lors qu’ils agissent comme des partenaires responsables. Des lieux industriels, pourquoi pas si la sécurité des participants et des artistes est garantie ? Il faut à mon sens distinguer ce qui est fête spontanée ou presque, dans un lieu si possible ouvert et n’impliquant aucun investissement lourd en aménagement ou en sécurité, et manifestation professionnelle avec une mise en scène originale dans un lieu d’exception. Dans le second cas, l’organisateur doit adopter une approche professionnelle.
- Le disque…
Le disque est évidemment un bien culturel au même titre que le livre, le DVD, et que tout fichier électronique contenant une musique ou un film. Mais c’est aussi un produit industriel et une économie. Il ne faut pas en avoir honte. Ce sont des milliers d’emplois à la clé et beaucoup de richesses, dans un monde qui va connaitre - tant mieux - une explosion de la consommation de biens culturels. Le prix unique est impossible à étendre au disque car le droit communautaire l’interdit. Mais Internet constitue une exceptionnelle opportunité pour le disque à condition de régler la question du piratage. L’avenir du disque est sur Internet et sur le téléphone mobile, avec des œuvres faciles à trouver, pas trop chères, facilement téléchargeables et facilement utilisables sur tous les supports dans le respect du droit d’auteur et des droits voisins.
- Le secteur non marchand de la culture…
Je vous l’ai dit, je souhaite que les pratiques amateurs aient toute leur place, et une place plus importante que celle qui leur est allouée aujourd’hui. Je sais que certains syndicats sont hostiles à la réforme du statut du musicien amateur, qui est envisagée depuis très longtemps à la direction de la musique, mais n’a jamais pu aboutir. Je veux mettre le sujet sur la table. Un bon musicien, qu’il soit amateur ou professionnel, doit pouvoir s’exprimer à la mesure de son talent, de son envie, et de celle de ses partenaires. Ainsi le secteur non marchand doit trouver sa place, et cela vaut aussi pour les organisateurs d’événements. J’ai fortement soutenu, vous le savez, la réforme du mécénat en faveur des associations et des fondations qui a été entreprise avec succès par Jean-Jacques Aillagon en 2003. Le tissu associatif a beaucoup à apporter à la vie culturelle de notre pays. Bien sûr, je ne suis pas naïf, et je sais qu’il y a des « frottements » à traiter pour éviter les phénomènes de concurrence déloyale entre les amateurs et les professionnels. Mais il est temps que ce débat s’ouvre enfin et que des propositions ambitieuses soient faites. L’amateur est celui qui aime, il est temps d’aimer l’amateur et de le lui montrer !
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