L’alcoolo-dépendance
Dans les pays d’Europe occidentale et en Amérique du Nord, on peut considérer qu’approximativement 10% des hommes et 5% des femmes souffrent d’une dépendance à l’alcool selon les critères de l’Association Américaine de Psychiatrie.
La dépendance à l’alcool est définie par la survenue simultanée pour un individu de trois parmi les sept critères suivants :
Tolérance augmentée (tient mieux l’alcool)
Symptômes de sevrage (tremblements, anxiété, sudations, épilepsie à l’arrêt de l’alcool)
Difficultés à contrôler la quantité d’alcool consommé
Préoccupations liées à l’approvisionnement en alcool
Désir persistant et infructueux de diminuer ou d’interrompre la consommation
Répercussions négatives de l’alcool sur les loisirs et la vie sociale
Consommation persistante malgré des problèmes de santé physique ou psychique
La dépendance à l’alcool est-elle une maladie ?
Oui, c’est une maladie chronique à évolution progressive se présentant par des symptômes tels qu’une envie irrésistible de boire malgré des conséquences fâcheuses sur la vie sociale, affective, professionnelle ou sur la santé. Comme beaucoup d'autres maladies, son évolution est plus ou moins prévisible avec des complications bien décrites dont l’ordre d’apparition est relativement bien défini. Les facteurs influençant l’évolution de l’alcoolo-dépendance, aussi bien génétiques que liées à l’environnement, commencent à être mieux connus.
La dépendance à l’alcool se transmet-elle génétiquement ?
Oui, dans une famille l'alcoolisme a tendance à se transmettre de génération en génération, et cela s'explique, en partie, par une transmission génétique. Des études en cours visent à identifier les gênes responsables d'une vulnérabilité accrue à développer une dépendance à l'alcool. L'entourage et l'environnement d'une personne comme les parents, les amis, l'exposition au stress, la disponibilité plus ou moins grande de l’alcool sont des facteurs qui peuvent influencer la consommation d'alcool et le développement de l'alcoolisme. D'autres facteurs liés à la personnalité et à l’entourage familial peuvent avoir un effet protecteur même pour une personne à haut risque de développer des problèmes d’alcool. Il ne faut pas dès lors pas confondre risque et fatalité. Si le risque de développer des problèmes d’alcool est trois fois plus important pour un fils ou une fille d’alcoolo-dépendant, seuls une petite proportion d’entre eux deviennent alcoolo-dépendants (15% des garçons et 5% des filles). A l'inverse, une personne sans aucune histoire familiale d'alcoolisme peut devenir alcoolo-dépendante.
Peut-on guérir de la dépendance à l’alcool ?
Non, pas complètement. L'alcoolisme est une maladie disposant de traitement favorisant la prévention de la rechute. Aucun traitement de permet cependant de guérir la maladie définitivement. Cela veut dire que même si un alcoolo-dépendant est abstinent depuis longtemps, le risque de rechute existe. Il est dès lors important pour la grande majorité des alcoolo-dépendants devenus abstinents, même après des années, d'éviter toute consommation d’alcool.
Y a-t-il des médicaments pour lutter contre la dépendance à l’alcool ?
Oui, deux classes de médicaments sont prescrits dans le traitement de l'alcoolisme. Les premiers sont des calmants de la classe des benzodiazépines comme le Valium®, le Seresta® qui sont utilisés pendant le temps du sevrage physique pour diminuer ou éviter les symptômes qui peuvent se développer à l’arrêt de l’alcool tels que tremblements, sudations, palpitations, épilepsie et delirium tremens. La deuxième catégorie de médicaments aident à être abstinent en diminuant l'envie de boire: acamprosate (Campral®) et naltrexone (Nemexin®). Prescrits conjointement à un suivi médical, social et psychologique adapté, ces médicaments agissent de manière à diminuer l'envie de boire et constituent une protection contre la rechute.
Un médicament plus ancien, l'Antabus®, prévient la consommation d’alcool par un effet de dissuasion, la prise d’alcool chez un patient traité par Antabus® étant à l’origine d’un malaise sévère associant nausées, vomissements, palpitations et rougeur intense du visage. Le syndrome alcool-Antabus peut parfois, chez des personnes dont la santé est précaire, être à l’origine de complications sévères nécessitant une hospitalisation. L’efficacité de l’Antabus est fortement controversée dans la littérature et ce médicament n’est pas dénué d’effets secondaires, parfois sérieux. Dès lors, l’Antabus ne devrait être prescrit qu’en dernier recours et chez des patients qui le désirent.
La dépendance à l’alcool peut-elle être traitée ?
Les traitements contre l'alcoolisme sont efficaces. Approximativement 30 à 50% des personnes traitées sont abstinentes un an plus tard. On considère en général que la rechute fait partie de l’évolution normale du traitement et que seuls plusieurs traitements, parfois sur des années seront nécessaires pour obtenir une rémission complète. Le soutien de la part des proches est important pour contribuer à aider la personne alcoolo-dépendante à s'en sortir.
Sommes-nous égaux face au risque d’avoir des problèmes d’alcool ?
Non, alors que 90% des adultes boivent de l’alcool, environ une personne sur dix en est dépendante. Il existe également une différence entre hommes et femmes puisque les hommes sont trois fois plus touchés par les problèmes d’alcool que les femmes. Il existe également un risque génétique et environnemental puisqu’un fils ou une fille de père ou de mère alcoolo-dépendant a trois fois plus de chance d’être alcoolo-dépendant que les enfants de parents sans problèmes d’alcool. Les individus souffrant de maladie psychiatrique comme la dépression, la psychose maniaco-dépressive et la schizophrénie ont un risque augmenté par rapport à l’alcool de même que les individus dépendants de drogues, de médicaments ou de tabac.
Si j'ai un problème avec ma consommation d’alcool est ce que je peux simplement la réduire au lieu de la cesser complètement ?
Cela dépend. Si vous remplissez ou avez rempli les critères de dépendance à l’alcool présentés au Tableau 1 la réponse à cette question est probablement non. Certaines études montrent que des alcoolo-dépendants qui tentent de réduire leur consommation ne réussissent pas à le faire sur de longues périodes alors que d’autres études montrent que parmi les alcoolo-dépendants qui sont devenus abstinents, seule une faible proportion des individus vont pouvoir revenir à une consommation modérée. Donc un arrêt total de l'alcool, en tout cas momentané, est fortement conseillé pour optimiser les chances de s'en sortir. Si vous n'êtes pas alcoolo-dépendant mais avez des problèmes liés à l'alcool, vous pourrez peut être modérer votre consommation sans la stopper complètement. Si toutefois vous n'y arrivez pas, un arrêt complet de la consommation sera probablement nécessaire.
Si un alcoolo-dépendant refuse de se faire aider, y a-t-il tout de même un moyen pour l'en convaincre ?
Oui, mais cela n’est pas toujours facile. On ne peut obliger un alcoolo-dépendant à se faire traiter, sauf dans certaines situations de crises, si il y a un problème médical aigu et sérieux impliquant les proches ou la justice. Une crise, dans laquelle l'alcool à son rôle à jouer, peut constituer une opportunité de prise de conscience de la gravité de la situation et de ce fait être un moment opportun pour accepter de se faire aider. Les professionnels de la santé spécialisés dans les problèmes d’alcool donnent certains conseils, présentés dans la troisième partie de ce texte, dont chacun peut s’inspirer lorsqu’il s’agit de convaincre une personne alcoolo-dépendante à entreprendre un traitement.
Texte pris du site du CTA qui est rattaché au Département Universitaire de Médecine
et Santé Communautaires et associé à la Division d'Abus de Substances