Je te remercie pour ta réponse.
Effectivement pour les bleus, on est pas des terroristes et tout reste relatif. Pour autant, je garde un souvenir désagréable. En gros, tu te gonfles de good vibes pendant 48 ou 72 heures et tu prends un retour à la réalité en moins de deux parce qu'un moustachu te parle comme à un chien, relève ton nom et porte aussi haut son irrespect que le képi.
Petit flashback :
Sortie du festival, l'orga nous prévient :
"- si vous avez piccolé, vaudrait mieux attendre !
- merci de nous prévenir mais ça va aller, on est pas adeptes, on est plus jus d'orange mais merci de nous prévenir".
Bien entendu, compte tenu de l'état du merco et de nos tronches de gitan, on sait qu'on va y avoir droit. Pas grave, c'est comme les piqures chez le docteur, un mauvais moment à passer. Tu serres les dents et tu ravales ta salive en attendant que ça passe. On prend la route et 1km plus loin, le bras de la justice nous impose de rejoindre le parking sur la droite. On s'exécute, le spectacle est surréaliste, Dali revisité par Sarko. A notre gauche, trois ou quatre bagnoles avec des gueules défaites autour. Entre deux, cul à l'air, un mec se penche en avant et tousse comme on le lui demande. Face à l'orifice, le "docteur" fait son office. La descente s'annonce, je descend du cametard en chasse-neige, ma copine aussi.
" - Bougez plus ! Ecartez les bras ! Secouez vos cheveux ! "
Le réalo connait son taf, on enchaine la chorégraphie comme dans un clip de George Michael shooté au flashball. Après tout pourquoi pas, Oussama était peut-être venu jumper à l'Arcadia et ces gens-là (big-up au grand Jacques) sont là pour assurer notre sécurité. J'ai l'impression que celle qui nous a pris en charge est en pleine montée de testostérone. Je regarde la scène de l'extérieur, fait mentalement le point sur ce qu'on est, m'interroge sur ce qui entre nos pompes et nos cheveux en batailles nous identifie comme citoyen de seconde zone. Sans trouver la réponse, je reste perdu dans un monde qui ne m'appartient pas et auquel je ne veux pas appartenir. Miss véner poursuit le protocole en excitant le chien qu'elle tient en laisse.
" - Vous, madame, venez avec moi ! Ouvrez-moi le camion !
- ok, pas de soucis mais on a un chien à l'intérieur "
- Monsieur va le tenir pendant que je regarde votre véhicule."
Je reste sur le côté conducteur du camion, un garde chiourme reste là à me surveiller pendant que ma miss accompagnée par la stakhanoviste des douanes s'en va ouvrir la porte latérale du camion. J'entends la porte qui coulisse et les 45 kilos de ma clébarde qui réagit. Je siffle, elle vient à mes pieds. Ma miss me racontera par la suite que la douanière est montée un peu en pression en découvrant notre merdier (le cam, c'est notre résidence secondaire, entre la moto et compagnie, elle y a perdu ses petits). La fouille ne donne rien, le chien militarisé peut retourner à St Cyr et devra passer en cour martial pour s'être uniquement intéressé à la gamelle de croquettes. On sent l'adversaire déçu, aigri mais on est satisfait ça sent la fin, on va pouvoir repartir.
" - C'est bon, vous pouvez y aller mais attention hein ! On vous a à l'oeil !"
Je lance un victorieux "Allez !" à Paya (c'est ma chienne). Sans m'en rendre compte, je viens de commettre une erreur. Paya fait le tour du camion et s'en va renifler le cul du clébard militarisé. Les bleus ont un geste de recul (Paya impressionne, surtout quand elle sent monter la pression). Un barbu, je m'en rendrais compte par la suite, petit chef de ce barnum, porte directement la main sur son gun. Il est freiné par la douanière qui semble mieux connaître la race canine. Je récupère Paya et l'a fait monter dans le camion puis fais le tour du camion pour rejoindre mon poste de conduite. Au passage, le barbu m'interpelle en me montrant son arme :
" - si ça avait été moi, il y avait droit
- j'crois pas non " dis-je en perdant mon sang froid de reptile et en constatant que la météo vient subitement de changer. L'orage gronde, entre mes yeux et ceux du barbu les éclairs fusent, les mots du silence aussi.
Je démarre le bahut en fixant l'enculé dans le rétro. Il me le rend bien et fait un signe à ses subordonnés pour qu'il nous libère le passage. Je démarre avec un grand coup d'accélérateur rageur qui s'il ne fait pas du bien à la planète fera au moins, je l'espère, du mal à leurs poumons de soldats. On sort du parking, on roule 200 mètres et un couple de gendarme nous met sur le côté. Contrôle alcootest.
" - Vous avez consommé ?
- De l'alcool ? non !
- Vous avez du fumer alors !
- Ouaip, vendredi soir en arrivant, un petit, tout petit, mini joint.
- hmm, hmm ! me fait le préposé en étant sceptique. Vous faites quoi dans la vie ?
- Artiste, sinon pour manger, je vends des meubles sur internet.
- Attention qu'ils soient pas volés hein !
- Non, non, ils sont pas volés, c'est moi qui les fait.
- Et vous madame, vous faites quoi ?
- Comme vous Monsieur l'agent, je suis fonctionnaire.
- C'est à dire ?
- prof.
- prof de quoi ?
- Arts plastiques.
- Je m'en serais douté. Dit-il pendant que sa collègue note nos noms.
- Et pourquoi vous notez nos noms ? C'est bien un festival officiel non ? On a même vu un sujet sur le festival dans le jt de France 3 région.
- Circulez !
- Non mais sans déconner, pourquoi vous prenez nos noms ?
- CIRCULEZ !"
On reprend la route sans encombres jusqu'à Paris, toute la haine qu'on avait cramé sur le dancefloor est remonté en flèche. Au royaume des casses-couilles, je rumine. Au travail de mes maxillaires, j'ai la sensation d'être le bœuf de Babylon. Sous le voile bleu, la colère est revenue, j'ai l'impression d'avoir été cambriolé de ce que j'étais venu chercher et qui dans l'enceinte du festival, porté par la basse, s'y trouvait.
Voilà, désolé pour la longueur du post mais à l'époque, j'avais pas voulu pourrir les rapports avec ce qui me semblait être une histoire toute personnelle. Depuis l'actualité nous a rattrapé et il me semble que l'appréhension que j'ai pu en avoir c'est affirmée comme l'essentiel de la proposition républicaine du moment.
Après, c'est vrai que ça soulève un débat, partir ailleurs c'est sans doute un peu fuir une réalité qui nous déplait. A l'inverse, je ne suis pas sur que l'occupation de l'espace constitue un mode de résistance suffisant. Dans le fond, j'aimerais bien avoir l'avis d'Aqua-Veda là dessus, savoir dans quel chantage les autorités les maintiennent ou pas.